Redonner envie de servir : une nouvelle grammaire de l’attractivité dans le secteur public
Publié le 22 04 2025
Pendant longtemps, l’emploi public s’est raconté avec les mots de l’administration : sécurité de l’emploi, déroulé de carrière, grille indiciaire, concours. Un langage rationnel, normé, et souvent impersonnel. Dans un monde où l’offre d’emploi publique suscitait des files d’attente, cela suffisait. Ce temps est révolu.
Aujourd’hui, les employeurs publics doivent faire face à un triple défi : raréfaction des candidats, transformation des aspirations professionnelles, et montée en puissance d’un marché de l’emploi plus mobile, plus concurrentiel, plus exigeant. Le temps est venu de réinventer les codes. On ne recrute plus comme hier. On n’attire plus sans désir. Et on ne mobilise plus sans engagement authentique.
Un changement de paradigme
Les talents d’aujourd’hui – qu’ils soient jeunes diplômés, professionnels en reconversion ou agents déjà en poste – ne cherchent pas une case à cocher. Ils veulent un projet qui a du sens, des missions qui les connectent au réel, et des environnements où l’on se sent utile, écouté, reconnu. Dans ce contexte, la marque employeur publique devient bien plus qu’un concept de communicant : elle est un levier stratégique. Elle dit qui l’on est, ce qu’on incarne, et pourquoi on vaut la peine d’être rejoint.
Cela implique un renversement de logique. Il ne s’agit plus de “poster une offre” et d’attendre. Il faut construire une envie. Montrer, raconter, incarner. L’attractivité devient un exercice d’inspiration. Elle ne repose pas uniquement sur des avantages statutaires, mais sur une capacité à faire résonner une mission collective avec les attentes individuelles.
La fin des vieilles méthodes
On ne peut plus parler de métiers publics avec des outils figés. Les plaquettes froides, les portails sans visage, les offres génériques ne parlent plus à personne. Il est temps de remplacer les formulaires par des formats vivants, les textes réglementaires par des récits concrets. Il faut faire ressentir ce que c’est que d’accompagner une famille dans ses démarches, de piloter un projet de transition écologique, de réinventer le lien social au cœur d’un quartier.
Dans ce nouveau récit, les RH ne sont plus isolées dans un bureau, elles deviennent les chefs d’orchestre d’une dynamique collective. L’attractivité devient l’affaire de tous : des managers qui savent parler métier, des agents qui incarnent une culture de service, des élus qui assument de porter une vision humaine de l’action publique.
Une nouvelle grammaire à inventer
Ce changement nécessite aussi de revisiter notre vocabulaire. Fini les “postes à pourvoir” sans âme. Parlons de parcours professionnels, de missions qui comptent, de vies locales transformées. Ne parlons plus de “fonction publique” comme d’un bloc, mais de secteur public au sens large, capable d’englober l’hôpital, l’école, le territoire, la justice, la transition, le numérique, la solidarité.
Ce nouveau champ lexical est plus humain, plus inspirant, plus connecté aux enjeux du monde. Il ne gomme pas les spécificités du secteur public : il les valorise autrement. Il fait de la sobriété une fierté, de la proximité un moteur, de la régularité un repère. Et surtout, il remet l’humain au centre.
L’ère des employeurs publics médias
Les employeurs publics qui tirent leur épingle du jeu sont ceux qui ont compris qu’ils doivent aujourd’hui penser comme des marques et agir comme des médias. Ils montrent leurs métiers en vidéo. Ils partagent des témoignages vivants. Ils organisent des événements d’immersion. Ils prennent la parole, non pour se vendre, mais pour donner à voir ce qu’ils font et pourquoi ils le font.
Ceux-là osent sortir des sentiers battus. Ils parlent aux jeunes sur TikTok, à leurs futurs cadres sur LinkedIn, à leurs talents invisibles dans des salons de l’emploi ou des écoles de la deuxième chance. Ils font appel à l’émotion, à l’imaginaire, à la projection. Car recruter, aujourd’hui, c’est susciter un mouvement intérieur. C’est faire dire à quelqu’un : “Je pourrais me voir là-dedans.”
Une nouvelle génération d’agences, de plateformes, d’outils
Ce renouveau ne se décrète pas, il se construit. Il suppose de s’appuyer sur des expertises nouvelles, des plateformes plus ouvertes, des outils pensés pour faire dialoguer les employeurs et les candidats autrement. On ne construit plus un site pour publier des offres. On conçoit une expérience de découverte, un écosystème inspirant, une porte d’entrée vers une autre vision de l’engagement professionnel.
C’est dans cette philosophie qu’émergent de nouveaux acteurs et de nouveaux récits. Des partenaires qui ne se contentent plus de relayer des besoins, mais qui accompagnent les territoires et les institutions dans la construction d’une image cohérente, désirable, moderne – sans jamais trahir leur essence.
Remettre le service public au cœur des désirs professionnels
La question n’est pas de “marketer” l’emploi public, mais de le révéler. De lui redonner ses lettres de noblesse, ses visages, ses fiertés. Et d’en faire une réponse contemporaine à des aspirations profondes : agir, appartenir, être utile. Redonner envie de servir n’est pas une formule. C’est un défi collectif. Et c’est aussi une formidable opportunité.